Le cèdre
Gravissant le chemin ombragé, je remonte doucement le Vallon des Cèdres. Ma bouche est encore parfumée par le goût des fraises sauvages cueillies çà et là sur le bord du sentier. Un merle, surpris par ma présence, s’envole en lançant à tous les oiseaux son cri d’alarme. Plus je m’aventure dans l’ombre de ces géants et plus je suis impressionné. Les rayons du soleil donnent au sous-bois une ambiance surnaturelle, la lumière est tamisée. Des effluves d’humus et de résine me montent à la tête, et frémissant d’émotion, je m’assois contre un cèdre gigantesque qui m’accueille à bras ouverts. Ses branches interminable aux rameaux étalés viennent raser le sol, et les cônes posés là comme pour la décoration ressemblent à des petits cierges lorsqu’ils perdent leurs écailles.
Le mistral s’est levé, il agite les branches : ce chant ressemble presque à une plainte. C’est peut-être, comme le dit la légende, Osiris qui gémit, emprisonné dans le tronc de l’arbre contre lequel je suis adossé. Je comprends tout à fait que les Egyptiens utilisaient le bois de cèdre pour confectionner des sarcophages et des barques funéraires, ainsi que sa résine pour embaumer les morts. Symbole de l’immortalité, il peut vivre plus de huit siècles.
Les Indiens d’Amérique racontent que sa vaste ramure, arrondie comme de grands bras, sert de berceau pour accueillir la lune lorsqu’elle est fatiguée, et ils utilisent encore son bois pour faire des totems.
Mais la course du soleil me dit qu’il faut rentrer. Ce soir, confortablement installé près de la cheminée, j’allumerai un bâton d’encens au parfum de cèdre, et, en fermant les yeux, je reviendrai dans le grand vallon magique.
Edition 2022 - Christian Vacquié