Ces belles empoisonneuses

Ces belles empoisonneuses

Ces belles empoisonneuses Ces belles empoisonneuses Ces belles empoisonneuses

Ne vous fiez pas aux apparences. On trouve à la Sainte-Baume de jolies plantes qui recèlent de redoutables poisons.

 

L’hellébore (ou ellébore) fétide (Helleborus foetidus L.)

Appelée aussi « Pied de Griffon », c’est une plante vivace herbacée, haute de 3 à 8 dm, assez commune dans la forêt de la Sainte-Baume. Appartenant à la famille des Renonculacées, elle s’orne au printemps d’un bouquet de fleurs régulières au calice verdâtre plus développé que la corolle. Les fruits, secs, sont des follicules (s’ouvrant à maturité). On la reconnaît surtout à ses grandes feuilles en éventail formées de 7 à 9 segments lancéolés et dentés.

Son caractère fétide (à odeur repoussante) lui a valu la réputation de chasser les serpents. Elle faisait partie, au Moyen-Âge, de l’arsenal des herboristes pour ses propriétés laxatives et abortives. On pensait autrefois que les graines d’hellébore avaient le pouvoir de soigner la folie, comme le rapporte La Fontaine dans sa fable « Le lièvre et la tortue ». La mythologie grecque attribue à la plante la guérison de plusieurs sujets atteints de démence meurtrière, après en avoir atténué les effets toxiques. En effet, toutes ses parties, en particulier la souche rhizomateuse, contiennent plusieurs substances cardiotoniques qui constituent un poison violent à forte dose.

Venue en pèlerinage à la Sainte-Baume, en 1564, avec son fils Charles IX et les deux prochains souverains de France, Catherine de Médicis a laissé d’elle une image néfaste (aujourd’hui remise en question). Eprise d’occultisme et de magie (ce qui est attesté), elle aurait usé de poisons pour favoriser ses intrigues. On l’a même accusée d’avoir fait offrir  une paire de gants imprégnés de suc d’hellébore à Jeanne d’Albret, la mère du futur Henri IV, qui en mourut.

Beaucoup de légendes circulent autour de cette plante, qui peut néanmoins se révéler très dangereuse.

 

La belladonne (Atropa belladonna L.)

Si, en montant à la grotte sacrée, vous rencontrez de grandes plantes herbacées (de 6 à 8 dm) ressemblant à celles des pommes de terre (famille des Solanacées), il s’agit probablement de belladonnes.

Au début de l’été, les fleurs, campaniformes, d’un rose pourpré, laissent place à des baies globuleuses au-dessus d’un calice vert étoilé. A maturité, ces fruits, de la taille d’une petite cerise, prennent une teinte noirâtre violacée et deviennent succulents ; mais gare à l’imprudent qui serait tenté d’en consommer ! Bien que leur goût soit, paraît-il, délicieux, il s’agit d’un poison violent (dix à vingt d’entre eux suffisent à tuer un homme.

Toute la plante renferme plusieurs alcaloïdes très toxiques dont l’atropine qui doit son nom à l’une des trois Parques (ou Moires) de la mythologie grecque, celle qui tranche le fil de la vie : Atropos. Cette substance possède des propriétés antispasmodiques. Par voie ophtalmique (en collyre), elle provoque la dilatation des pupilles (mydriase). Les belles dames de Renaissance Italienne l’utilisaient pour avoir un regard de braise qui séduisait les hommes, d’où le nom d’espèce de la plante. La Belladonne a joué un rôle important dans la sorcellerie du Moyen-Âge. Préparée en pommade, les jeteuses de sorts l’appliquaient discrètement sur la peau de leurs victimes qui présentaient ensuite des hallucinations.

 

La daphné à feuilles de laurier (Daphne laureola L.)

Sous-arbrisseau d’une hauteur de 4 à 9 dm, abondant dans la hêtraie, ses feuilles lancéolées d’un vert-foncé, luisantes et coriaces, sont disposées en rosettes en haut de tiges fleuries de couleur verdâtre. Ne pas confondre avec la grande Euphorbe ! Les fruits sont des baies globuleuses qui deviennent noires à maturité. Toute la plante renferme différentes substances toxiques responsables d’empoisonnements graves. De nos jours, elle n’est plus utilisée pour ses propriétés médicinales (émétiques et laxatives).

D’après une antique légende, reprise par le poète latin Ovide dans « Les métamorphoses », Daphné était une nymphe (divinité féminine personnifiant la Nature) qui avait fait le vœu de rester chaste et qui préférait vivre libre en parcourant les bois. Un jour qu’elle se mirait dans un ruisseau, elle aperçut le reflet d’une silhouette dans laquelle elle reconnut Apollon, le plus beau de tous les dieux. On l’avait prévenu qu’il séduisait les jeunes filles avant de les abandonner. S’étant enfuie et sur le point d’être rejointe, elle supplia son père, le dieu-fleuve Pénée, de la délivrer (dans une autre version, la Terre-Mère). Aussitôt, elle se retrouva métamorphosée en laurier (dont le nom grec est « daphné »). Mais Apollon était réellement tombé amoureux et, pour se consoler, il orna sa chevelure d’une couronne de laurier.

Edition 2022 - Alain Bontemps - Ecomusée de la Sainte Baume