Une artiste fondeur de bronze
Tout débute par une enfance imprégnée par la Nature. Eduqué et initié à cette beauté et cet amour de la Faune et de la Flore par une maman garde forestière de la sublime forêt des Maures, un papa œuvrant auprès de l’ONEMA pour la préservation des lacs et des rivières et bien sûr mon beau-papa garde forestier de la mystique forêt de la Sainte-Baume. Alors, je passe une bonne partie de mon enfance dans la maison forestière des Béguines, quitte la douceur de la campagne pour des études d’Art Appliqués à Marseille puis 3 ans de beaux-arts à Toulon. Et puis soudain, c’est la découverte de cet atelier de Fonderie d’Art, à l’époque c’était l’unique centre de Formation en Fonderie d’Art de France et, encore plus improbable, il se trouvait dans mon village natal à Carcès. Ce qui devait être un simple stage initiatique de 15 jours s’est transformé en la passion d’une vie. Une rencontre franco-sénégalaise au village des Arts de Dakar à découvrir l’approche de la Fonderie de la façon la plus traditionnelle qui soit confirma mon coup de foudre. S’en suivi un an de formation au sein de l’Atelier 960°, la validation de mon CAP Mouleur Noyauteur et en parallèle la création d’un dossier afin de concrétiser un projet initié par mes 2 maîtres Fondeur Cuffini Bruno et Inquimbert Laurent, celui de réintégrer la Fonderie disparu depuis bien longtemps au sein de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir. Mission accomplie, d’abord adopté Aspirant Fondeur à Muizon, s’en suivie mon Tour de France de 5 ans jusqu’à ma réception à Saint Etienne où je devins, Florie La Provençale, Compagnon Fondeur. Et puis l’appel du voyage m’emporte 1 an au Vietnam, puis 3 mois en Afrique du Sud où je retrouve progressivement ce contact à la Nature, en ayant de plus en plus envie d’en faire le combat de ma vie. Mais moi ce sera par le biais de l’Art. De retour dans mon village natal je réintègre l’Atelier 960°, mais cette fois en tant qu’artiste indépendant afin de mettre au service de la nature tout le savoir-faire acquis pendant ces années de voyages. Rien n’a plus de valeur pour moi, et nous en connaissons tous sa fragilité. Alors quand je réalise que ce métal si noble qu’est le bronze peut figer la fragilité de ces merveilleuses créations de mère Nature, de façon quasi immortelle, ma démarche artistique devient une évidence. Je récolte lors de mes voyages ou randonnées des éléments morts devenus insignifiant aux yeux du monde, fragiles, éphémères, qui sont pour moi d’une immense beautée. Je les dessine, les observe pareil à un botaniste, en cherche la symbolique ou les vertus médicinales, et enfin la Technique entre en jeu. Je commence par le nettoyage puis la mise en condition pour que cet élément souvent très fragile puisse supporter le processus à venir. D’abord c’est la création du système d’alimentation en cire, sous forme d’arbre ou de grappe, s’en suit le moulage par le procédé à modèle perdu en créant une carapace réfractaire autour. Lors de la cuisson du moule à plus de 700°C, la matière organique et la cire brûle, se transforme en cendres et laisse un vide dans lequel je coule le métal en fusion. Ensuite viennent le décochage, l’ébarbage, la ciselure (sculpture permettant de retrouver les empreintes naturelles altérées par les étapes précédentes). Arrive la finition, polissage ou patine, selon mon inspiration et selon le besoin de chacune de mes créations de se révéler par la couleur ou par la lumière. Dernière étape, lui trouver un socle qui, en plus de la magnifier, deviendra le support pour sa nouvelle existence et parfois, une mise sous verre, en rappel aux cabinets de curiosité, soulignera encore plus sa fragilité. A l’image de mes sculptures, le socle, de bois ou d’acier de récupération, déjà altéré par l’action du temps reprendra vie à son tour. Alors il la maintiendra et la protégera, lui permettant de traverser les siècles, en espérant laisser une trace poétique et contemplative pour les générations à venir.
Edition 2021 - Florie Carrer
