Dominicains en Sainte-Baume

Dominicains en Sainte-Baume

Dominicains en Sainte-Baume Dominicains en Sainte-Baume Dominicains en Sainte-Baume

L’Ordre des Prêcheurs, plus connu sous le nom Dominicains, entretient depuis le XIIIe s. un rapport unique avec Saint-Maximin et la Sainte-Baume. Du Moyen Âge à la Révolution française, ces religieux animent en effet la basilique saint-maximinoise et le pèlerinage au lieu de la pénitence de sainte Marie-Madeleine. La communauté des moniales dominicaines à Saint-Maximin et celle des frères à l’Hôtellerie de la Sainte-Baume, témoignent encore aujourd’hui de l’importance accordée par les Prêcheurs à ce haut lieu de la piété provençale.

Cette présence actuelle des Dominicains dans le Var est pourtant étonnante. Elle est la conséquence du choix fait par le P. Henri-Dominique Lacordaire, restaurateur de l’Ordre en France, de ramener les fils de saint Dominique dans un de leurs couvents prestigieux après la rupture révolutionnaire. Le rachat du Couvent royal, en 1859, et la reprise en main de la Grotte et de l’Hôtellerie de la Sainte-Baume, confiées depuis la Révolution française à des séculiers ou à des religieux non-dominicains, permirent de juxtaposer en un seul espace un lieu de formation à la vie régulière, un lieu d’étude théologique et un lieu de pèlerinage. S’y ajoutèrent un monastère et l’activité des congrégations dominicaines, en particulier les Dominicaines de Monteils à Saint-Maximin et celles de Béthanie au Plan d’Aups. De cette refondation jusqu’en 1957, une espèce de microcosme dominicain parfait a donc été réalisé en Provence.

Dix-huit universitaires ont réuni leurs compétences pour faire l’histoire de ce siècle de vie dominicaine. L’importance de ces lieux dans l’histoire religieuse contemporaine apparaît d’une manière tout à fait nouvelle. S’il n’a pas été supprimé par la Révolution, le pèlerinage provençal connaît un renouveau en étendue et en profondeur aux XIXe et au XXe siècles. La Sainte-Baume est aménagée pour recevoir les pèlerins mais aussi les touristes ou les promeneurs. Des architectes aussi renommés que Pierre Bossan ou Le Corbusier sont sollicités pour les bâtiments. Mais le retour des Dominicains à Saint-Maximin n’est pas un retour dans le passé : la politique s’invite souvent au couvent. L’anticléricalisme de la IIIe République pousse les frères à trouver refuge en Espagne à Salamanque entre 1880 et 1886, puis en Italie après 1903. Ce n’est qu’en 1920 que la communauté revient massivement et, pense-t-elle alors, définitivement, dans les murs du Couvent royal. Mais la politique, c’est aussi l’Action française : le mouvement monarchiste de Charles Maurras déchire la communauté jusqu’à l’intervention personnelle du pape Pie XI, en 1927. La politique enfin, c’est la Deuxième Guerre Mondiale qui amène les frères à choisir leur camp. L’accueil de jeunes juives d’Europe centrale à la Sainte-Baume mais aussi l’activité résistante mobilisent plusieurs frères à Saint-Maximin et à l’Hôtellerie. Enfin, le siècle de présence des Dominicains en Provence voit naître de nombreuses initiatives d’ordre intellectuel et spirituel : la Revue thomiste appelée à jouer un grand rôle dans le monde de la théologie catholique ; la revue La Vie spirituelle promise à un avenir brillant et amorce d’une maison d’édition qui, au fil des ans, deviendra les Éditions du Cerf… Artistes en quête de sens et intellectuels chrétiens feront étape chez les Dominicains provençaux : Paul Claudel, Georges Bernanos, Albert Camus, André Chouraqui…

Dans les années 1950, le couvent médiéval séduit pourtant moins les jeunes générations dominicaines. Des crises internes déstabilisent la communauté et un transfert opéré vers Toulouse en 1957.

Un siècle de vie dominicaine en Provence (1859-1957). Saint-Maximin et la Sainte-Baume, sous la direction de Tangi Cavalin et Augustin Laffay, Nancy, Éditions Arbre bleu, 2019, 69 ill., 580 p.

Edition 2020 - Texte Fr. Augustin Laffay - Photos de Patricia Maupetit