Suivre une trace
Dans son livre « Sur la piste animale » Baptiste Morizot évoque l’importance de la trace. Il nous explique que nos ancêtres dans la préhistoire auraient développé, leur imagination en suivant les traces de l’animal qu’ils chassaient, car au delà des empreintes visibles, c’est en imaginant la fuite de l’animal qu’il retrouvaient la trace qui avait disparu sous un tapis de feuilles ou la traversée d’un ruisseau. Ils auraient aussi développé le sens de la communication en échangeant leurs impressions avec le groupe.
Cette réflexion m’a amené à observer mon cheminement dans l’espace naturel avec un nouveau regard.
Il m’est souvent arrivé de suivre la trace d’un sanglier, d’un chevreuil, d’un blaireau ou d’un renard, en suivant ses empreintes dans le sol, ou au cours d’une animation nature, ou nous définissions avec les enfants, à partir d’un dessin d’empreinte, l’animal , sa grosseur, le sens de son passage…
Les traces vont parfois au-delà de notre imagination. Au cours d’une randonnée avec Thierry, nous remontions le lit du Cauron pour aller jusqu’à sa source. Avec les conséquences de la sécheresse, il n’y avait en effet plus que la trace d’un beau ruisseau entre les rochers couverts de mousse, et des trous remplis de sable ou de gravier, où il y avait avant tourbillons et cascades. Arrivant à la source asséchée du Cauron au fond d’une grotte, nous pouvions imaginer la résurgence jaillissant de la montagne, car cette source est captée maintenant à plus de 60 mètres dans les profondeur de la terre. Il nous restait au retour de cette balade, le chant de l’eau… N’y a-t’il pas sous le lit de la rivière, une autre rivière invisible qui coule dans la nappe phréatique ?
Parfois en Provence, au passage des cols, empruntés maintenant par les randonneurs, il reste, encore sculptés dans la roche calcaire, la trace des chariots qui passaient par là il y plus d’un siècle. Le Chemin des Rois, celui du Canapé, du Pas de la Cabre, du Saint-Pilon, quel homme fut le premier à le parcourir, ou suivant la trace d’un animal le guidant malgré lui vers le haut de la montagne. Quel sentier a suivi Marie-Madeleine, montant pour la première fois sur le chemin en forêt de la Sainte-Baume? Sommes nous aussi sur la trace invisible de ses pas ? Cette marche parfois pénible vers la grotte sacrée, n’est-elle pas pour nous une démarche, une marche vers l’intérieur, vers notre âme… ?
Edition 2021 - Christian Vacquié