Le Genévrier Cade, essence purificatrice
Ce jour-là, j’avais rallumé la cheminée parce que l’hiver traînait encore ses bottes glacées sur la montagne, et qu’il venait frapper à grands coups de pieds de mistral contre ma porte. Lorsque j’y ai déposé cette bûche de genévrier, les flammes ont léché doucement l’écorce dans un petit craquement, et les coulures de résine sur les blessures encore fraîches de la bûche se sont mises à chuchoter, dégageant des volutes de fumée blanche. Une odeur douce d’encens a envahi toute la pièce, et là, en hiver, juste en fermant un peu les yeux, j’ai revu la garrigue en plein été, éclatée de soleil et de chant de cigales. Vous imaginez, tout ça dans un morceau de genévrier !
Le lendemain, lorsque j’ai rencontré le vieux berger, je me suis empressé de lui en parler. « Ah ! le Cade, me dit-il, c’est un arbre sacré qui ne servait que pour les feux dans les rituels, on l’utilisait même comme désinfectant en allumant son feuillage, pour faire des fumigations pendant les grandes épidémies de peste au Moyen Âge. Ces petits arbres que tu vois dans la garrigue, qui accompagnent les pins après les incendies, et qui ressemblent un peu à des sapins, ce sont les genévriers. Les bûches sont très belles, et si tu les observes bien, tu verras que les cernes de ce bois sont très serrés, ce qui veut dire que cet arbuste est très vieux. La couleur du cœur du cade ressemble un peu à du caramel ; enfants nous en découpions des rondelles, qui servaient d’antimites, et son odeur épicée se mélangeait au parfum de lavande que nous placions entre les draps de lin dans les armoires, si bien qu’ils devenaient des petits bouts de garrigue, et nous avions l’impression de dormir à la belle étoile ».
Maintenant, chaque fois que je trouve une bûche de genévrier dans mon bûcher, je la dépose avec un grand respect dans le feu, et je repense à son histoire.
Edition 2018 - Christian Vacquié