Une école de vie à la Sainte-Baume


Que faire quand, à 22 ans, on a le sentiment que tout s’écroule, que notre vie part à vau-l’eau, qu’elle nous échappe des mains sans que l’on ait le moindre contrôle sur elle. Voilà l’étudiante que j’étais en ce début de mars 2023. Il fallait trouver un plan de sauvetage pour m’extirper de cette noyade silencieuse, qui chaque jour m’engloutissait un peu plus dans ces nuages de déprime et de pollution d’un Paris morose. C’est au hasard de l’algorithme YouTube que je finis par tomber sur une vidéo. Sainte-Baume, Marie-Madeleine, Ecole de vie… je n’y comprends pas grand-chose mis-à-part qu’il y existerait une sorte de programme pour aider des jeunes dans leur discernement professionnel. Foutue pour foutue, j’envoie une lettre de motivation, rédigée à la va-vite. Quelques semaines plus tard, je m’y rends pendant trois jours, juste pour voir… Et c’est alors que la Sainte-Baume, massif montagneux pluri-millénaire, ses bois ombrageux, ses chemins sinueux, sa crête aride et ses pics solitaires, me font leurs numéros de charme. Je succombe.
Le 13 septembre 2023, me voici donc à l’Hostellerie de la Sainte-Baume, embarquée avec trois autres jeunes que je n’ai pas choisis, pour y vivre pendant six mois. Nous partons, chacun avec nos casseroles, à la découverte de soi, des autres et de Dieu, partager le quotidien de cette montagne auprès des Frères dominicains qui veillent sur ce lieu depuis plus de 1 000 ans.
Chaque matin, je marche à pas de loup dans le couloir de notre petite maison, réservée à l’Ecole de Vie et attenante au couvent. Il y fait encore sombre, l’esprit un peu embrumé malgré la douche, c’est au son des psalmodies des laudes que mon esprit doucement s’éveille au monde. Chaque jour, nous suivons des cours de théologie et de philosophie dispensés par les Frères. Moments d’épanouissement intellectuel où ma Foi s’ancre dans cette quête de Vérité qui s’incarne peu à peu. Repas partagés avec les pèlerins de l’hostellerie, rencontres passionnantes où l’autre se révèle être un lieu de richesse dans toutes ses différences. Chaque soir, les heures s’écoulent, inaperçues, où après avoir refait le monde jusqu’à plus soif, nous écumons nos cours dans des discussions endiablées, où cœurs et âmes s’y dévoilent. Le sommeil, plus ou moins altéré par ces ébullitions quotidiennes, finit par me conduire au jour suivant que je sais aussi riche que le précédent.
Et puisque cette vie-là n’est pas éternelle, je dois penser la suite. C’est grâce à un accompagnement dans toutes les dimensions de la personne humaine que mon avenir, auparavant si obscur, s’éclaire au fil des mois. Un Frère m’aide à avancer sur les chemins parfois difficiles de la rencontre avec le Christ. Une coach me permet d’envisager la vie professionnelle comme un lieu d’épanouissement au service du monde et des autres. Un couple assure le suivi commun de mon cheminement, autant communautaire que personnel.
Le jeudi 4 avril 2024, les yeux humides, le cœur débordant d’amour reçu et de joie à donner, je quitte la Sainte-Baume. Et je réalise que ces six mois à l’Ecole de vie venaient de changer ma vie. Non pas à la manière d’une révolution temporaire qui nous exalte le temps d’un instant. Elle fut le cadre propice d’une rencontre intime avec moi-même, où seule la lumière du Christ pouvait m’apprendre à m’aimer, à me laisser aimer.
Edition 2025 - Camille – camilledelardemelle@gmail.com