On se donne rendez-vous aux 3 chênes ?
Peut-être avez-vous déjà donné cette adresse comme lieu de rendez-vous ? Il est le fruit de l’imagination, renforcé par une forte intuition de la part du conteur.
Pour définir un nom de lieu, nous avons recours à la Toponymie selon l’onomastique, étude des noms propres et de leur usage à travers le temps. Bien souvent ces lieux sont définis précisément par l’histoire, par un événement sur un lieu bien précis, et parfois, d’une manière plus religieuse ou symbolique.
S’il est un lieu-dit qui porte bien son nom près de la montagne sacrée , c’est bien celui des Trois Chênes. D’ailleurs, il n’en reste malheureusement que deux, le premier, très fier indestructible, qui semble traverser le temps, et un autre, énorme et sec sur pied, comme une statue d’arbre qui voudrait nous montrer le chemin de la Grotte.Au sommet de ce tronc apparaît une cavité ressemblant à un visage rond ouvert sur le ciel. Cet arbre-là , on l’appelle le Sage, car dans son regard, l’on aperçoit un vide qui veut en dire long.
L’histoire de ce lieu raconte qu’au temps des Croisades, ici même se rencontrèrent trois chevaliers. Jean de Provence, qui voulait consolider son droit de succession et ses racines familiales. Pierre du Languedoc, pour qui la Croisade représentait la protection des siens et sa foi. Guillaume d’Avignon, qui avait suivi un enseignement de religieux et de combattant à la fois, et qui était partagé entre le désir d’être chevalier ou religieux.
Ces trois chevaliers venus se recueillir à la Sainte-Baume se rencontrent sur le parvis de la Grotte et décidèrent de camper et de partager un repas avant leur départ pour les Croisades en Terre Sainte. Une grande amitié fut scellée au cours de cette soirée au bas de la forêt, et ils décidèrent de faire la route ensemble. Guillaume au petit matin ayant ramassé Trois glands, en distribua à ses nouveaux amis et leur dit qu’à leur retour ils les sèmeraient sur le lieu-même de leur rencontre, ils croisèrent leurs épées et jurèrent qu’ils les planteraient à leur retour…
Ayant pris le bateau à Marseille, le voyage fut long et périlleux, Guillaume faillit mourir d’une fièvre au large de la Sicile, ses amis étaient là et lui sauvèrent la vie. Après avoir accosté sur les terres turques en bonne santé et bienheureux, ils évoquèrent encore la promesse qui les liait à la Sainte-Baume. Mais en traversant un fleuve en Cilicie, ce fut Jean qui périt noyé, emporté dans un fleuve alors qu’ils le traversaient… Pierre, le plus fort jusqu’à présent, était désespéré, et Guillaume lui remonta le moral pour continuer le voyage. Continuant ce long périple, les deux amis se jurèrent que si l’un deux venait encore à périr, le survivant reviendrait au lieu-dit de leur amitié.
Enfin, un beau matin, apparurent les remparts de la ville sainte, Jérusalem. Après un bref repos, ils durent combattre, car le roi Saladin avait soulevé une armée contre les chrétiens.
Les combats étaient rudes et bien souvent, les amis se protégeaient mutuellement, mais un jour, seuls contre une cinquantaine de guerriers, Pierre, voulant sauver son ami blessé, reçut un coup fatal. Guillaume blessé gravement, exsangue, fut ramassé par des soldats pour être soigné. Rétabli enfin de ses blessures, il revint chercher le corps de son ami, et l’enterra sous un chêne, il récupéra son épée et le sachet de glands. Mais son chagrin était grand, et désespéré, il lui semblait que la vie lui échappait. Une nuit pourtant, une femme vint lui rendre visite en rêve, elle était belle, et sans que le conteur ne la nomme, elle ressemblait sûrement à Marie Madeleine, la sainte. Elle lui dit qu’il était porteur d’espoir et qu’il devait ramener la mémoire de ses amis sur les terres de la Sainte-Baume. Guillaume à son réveil n’était plus le même homme, il entreprit de revenir pour ses amis et pour cette femme rencontrée en rêve.
Après un long périple , il revint dans la forêt sacrée, il s’arrêta sur les lieux ou les chevaliers avaient prêté serment, pria longuement et décrivit un grand cercle. Il planta trois épées en terre et fit glisser trois glands le long des lames. Il déposa son armure près d’un tilleul, fit ses ablutions à la source de Nans et devint moine gardien de la Grotte, portant toujours dans son coeur l’amitié de ses compagnons, mais aussi l’amour de cette femme qui vint le voir en rêve.
Personne n’osa toucher les épées qui étaient les tuteurs des chênes, qui poussèrent, dit-on, en une nuit…
Edition 2024 - Christian Vacquié