La Sainte-Baume et ses villages
Enfant, souvent j’entendais les grands parler de ce village perdu : Meynarguette. Perdu dans les bois, en plein coeur de la forêt, enseveli par les arbres, les ronces… Plus tard j’eus l’idée de monter une expédition avec tous mes amis . . .et là encore le village se dérobait… Inutile de chercher ce nom sur une carte. Il semble que l’on ait voulu tout en faire disparaître, jusqu’aux souvenirs. Même plus, de Mazaugues, dont il dépend aujourd’hui, pour l’évoquer on parle de Ville Vieille. Mais aujourd’hui, nous avons fini par le trouver. En effet sous les ronciers, parmi les bois, caché. Il a bien voulu se montrer et s’est laissé escalader, croquer, épier et enfin il nous a livré quelques uns de ses secrets. Nous l’avons surpris en plein milieu de l’après midi, sous un ciel grisonnant et des vents tourbillonnants. De la commune de Mazaugues, on y accède par un chemin tortueux et escarpé, présentant des précipices, des barres rocheuses et des ravins profonds. L’arrivée est marquante on marche dans une rue du village, ou plutôt sur un chemin en calade par lequel était évacuée la glace qui arrivait des glaciaires de Fontfrège, non loin de là. Avec un peu d’imagination et beaucoup de patience nous entrevoyons son étendue. Laissez vous conter son histoire, et livre en main.., imaginez.. .Nous sommes en 1020, et le village existe déjà, construit sur des vestiges gallo-romains. Propriété de Saint Victor, comme la plupart des terres de notre région, le castrum (dont les pans de murs ont résisté au temps) a déjà son église dédiée à saint Antoine, dont le bénitier se trouve actuellement à l’église Saint Michel à Marseille (Ses traces sont d’ailleurs visibles parmi les ruines.) Cette église sera desservie pendant très longtemps par le clergé de Signes. On la devine aisément par un long mur orienté ouest-est et une partie postérieure arrondie, en forme d’abside. Le choix du territoire bien évidemment est plus stratégique que nourricier. Le village contrôle un important axe nord-sud la carraire de la Ciotat, reliant Mazaugues à Signes et au-delà le nord et le sud Sainte Baume. S’il existe de nombreux cours d’eau et sources alentour (ayguettes : petits ruisseaux en provençal) voyant s’ériger plus de vingt fermes et bastides dispersées (Fontfrège, la Taoule, la Garnière, la Salomone, le Latay, Pivaut etc….) le coeur même du village, lui, ne possède qu’un puits, qui bien qu’important ne suffit pas. L’habitat du village est caractérisé par sa dispersion. La vue embrase le paysage du Ventoux jusqu’awç côtes méditerranéennes, à l’ubac du Mourre D’Agnis (museau de l’agneau) et fait de ce promontoire le centre de la commune. Si les zones cultivées étaient rares à cause du manque d’eau, en revanche le pastoralisme occupait une place de choix. Chaque ferme possédait son troupeau de brebis et parfois aussi des chèvres. Les habitants, des bergers, cultivaient les petites restanques alentour et travaillaient avec ce que la forêt offrait. La vie devait allègrement battre son plein dans cette très belle zone boisée… L’exploitation de la glace y maintenait une population mouvante Mais les hivers particulièrement rudes, l’extrême éloignement des premières communes voisines et l’impossibilité de diversifier les ressources firent disparaître Meynarguette, le 25 juillet 1839, par une loi sur les regroupements des communes de moins de 300 habitants, que Louis-Philippe fit voter en 1837. résolument tournés, et Mazaugues où les impôts étaient moindres et l’administration plus simple. La distance était la même : cinq kilomètres
Mais le chemin vers Signes était meilleur. De longues parlementassions se firent dans les champs du village, mais aussi chez le préfet, le maire et autres pontes administratifs On évoqua la coupe du bois, les impôts, on pesa le pour et le contre, et finalement on choisit Mazaugues. On ne pu voter, car comme le souligna le préfet, tous les habitants étaient illettrés et le maire, avait été désigné d’autorité. D’ailleurs il n’habitait même pas la commune Quoiqu’il en soit c’est à Mazaugues que furent rajoutés les mille huit cent quatorze hectares de Meynarguette. La plus part des jeunes gens nés sur place partirent vers signes. Dans plusieurs communes (Nans les pins, Mazaugues … ) des chemins portent le nom de ce village, sans jamais y déboucher. A Nans, le chemin de Meynarguette mène à la plaine du Cauron et à une piste forestière : l’ancien chemin de la glace qui débouche sur le plateau de Saint Cassien pour arriver aux glacières de Fontfrège en passant par le Gros Clapier (tas de pierre)tumulus protohistorique dont les pierres servirent à construire la route et point de rencontre de quatre communes : Nans, Rougiers, Plan d’Aups et Mazaugues. Toutes les glaciaires qui dépendent aujourd’hui de Mazaugues, sont en fait situées sur le territoire de l’ancienne commune de Meynarguette. Aujourd’hui, le village est réduit à l’état de bergerie rarement habité par les ouailles.
Extrait du livre « la Sainte Baume et ses villages » – www.editions-graines-dargens.com
Edition 2009 - Géraldine Galabrun