La Basilique royale Ste Marie Madeleine, chef d’œuvre du gothique provençal


Cet imposant vaisseau de pierre raconte toute une histoire. Une histoire liée à Marie Madeleine et à sa venue en Provence où selon la Tradition Provençale elle passa les dernières années de sa vie.
Chassée de Palestine sur un bateau sans voile ni rame, Marie-Madeleine accoste aux Saintes Maries de la mer, en 42 après J.-C., accompagnée des proches de Jésus. Après avoir prêché à Aix en Provence et Marseille, elle se retire à la grotte de la Sainte Baume où elle passe, selon la Tradition, tente années de sa vie en prière et contemplation. A sa mort, son ami Maximin l’enterre dans un petit oratoire qui est maintenant la crypte de la basilique.
Au VIIIe siècle, craignant les invasions sarrasines, les moines de St Maximin furent contraints de combler la crypte afin de sauvegarder ses précieuses reliques.
Charles II d’Anjou, Prince de Salerne, neveu de Saint Louis et comte de Provence, découvrit son corps cinq siècles plus tard, en décembre 1279. Il entreprit la construction d’une église de pèlerinage qui soit un reliquaire pour les reliques et ordonna le début des travaux en 1295. Le christianisme du Moyen Âge s’est teinté des couleurs d’une religion matriarcale, fondée sur le principe féminin. Un lien très clair semble noué entre la femme et le sacré. Charles II d’Anjou ne fut certes pas insensible à cela lorsqu’il décida de construire cette basilique pour rendre hommage au premier témoin de la résurrection, Marie Madeleine, et à ses qualités de douceur et bienveillance, compassion et amour inconditionnel.
Après cette découverte, un pèlerinage à Saint Maximin fut bientôt institué, que Charles II d’Anjou, avec la bénédiction du pape Boniface VIII, confia aux Dominicains, dont Marie Madeleine est la sainte patronne.
La basilique reste malgré tout inachevée, le portail et la grande porte d’entrée ne seront jamais édifiés, du fait des épidémies qui ont décimé les chantiers et du manque d’argent. Initialement elle devait être construite avec les produits de la gabelle de Nice mais lorsque cette partie de la Provence devint française en 1481, St Maximin ne pouvait plus bénéficier de cet argent. Les travaux sont arrêtés en 1532 par manque de fonds.
A l’intérieur, on est frappé par ses impressionnantes dimensions et par les parfaites proportions de la nef. Bien que construite sur plus de deux siècles, le style ainsi que les matériaux employés n’ont pas changé, ce qui confère à l’édifice une grande sobriété et harmonie.
Comme à la Sainte Chapelle construite à Paris par son oncle et que Charles II voulait reproduire en Provence, on est saisi par la lumière qui inonde l’intérieur de l’édifice, bien que les vitraux des 16 chapelles aient été murées ou occultées par les retables.
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Lorsque j’accompagne mes pèlerins à la basilique pour en faire la visite, j’aime partager « les petites histoires » cachées sous les pierres de cet édifice. En voici quelques épisodes…
Le chœur gothique
Il est fermé par un jubé. Ce lieu était entièrement dédié aux Dominicains. Aucun fidèle ne pouvait y pénétrer. Les 94 stalles en noyer sculpté et les 22 médaillons représentant des scènes de la vie dominicaine ont été magnifiquement restaurées. Une « Gloire » en stuc doré sculptée par Lieutaud surplombe le maître-autel en marbre provenant d’une carrière locale. En 1660, la visite de Louis XIV fut l’occasion de la translation des reliques de Marie-Madeleine dans l’urne de porphyre surmontant l’autel. Cette urne était une commande faite par Nicolas Ridolfi, Maître général de l’ordre des prêcheurs exécutée en 1634 par des artistes italiens de renom. L’ensemble est béni par le pape urbain, huit, le 22 juillet 1634 avant d’être expédié par bateau pour arriver au Couvent Royal de Saint Maximin au début de l’année 1635.
Ce n’est que le 6 février 1660, qu’elle est officiellement installée sur le maître Hôtel de la basilique en présence de Louis XIV.
Cette sculpture est à l’origine d’une transformation complète du chœur de la basilique pour constituer le complexe le plus éclatant d’art du sud-est de la France à l’époque moderne. Un réaménagement du chœur dont une partie financée grâce à la générosité d’Anne d’Autriche, mère du Roi Soleil, a été nécessaire. Il ne commence qu’en 1678 soit 43 ans après l’arrivée du reliquaire à Saint Maximin et c’est seulement en 1682 que l’urne est installée dans le chœur où nous la voyons aujourd’hui.
En 2024, après un an de travaux, la restauration du chœur a rendu à cet espace son lustre d’origine.
A l’opposé du chœur se trouve l’orgue
L’ordre dominicain qui, depuis sa fondation, avait toujours manifesté un vif intérêt pour la musique, voulait à Saint-Maximin un orgue correspondant à l’ampleur de la basilique et à l’envolée des chants des nombreux pèlerins.
Construit en 2 ans au XVIIIe siècle par le frère dominicain Jean-Esprit Isnard, il est impressionnant avec ses 2962 tuyaux, tous d’origine. Il a été sauvé de la destruction pendant la Révolution grâce à l’intervention de Lucien Bonaparte, frère cadet de Napoléon, marié à la fille d’un aubergiste saint Maximinois, Christine Boyer qui y fit jouer la Marseillaise.
C’est l’un des deux derniers orgues français qui permet d’entendre les sons tels qu’ils étaient perçus au XVIIIe siècle.
La crypte de la basilique
La chaire, enroulée autour d’un pilier, se dresse au-dessus de la crypte et attire le regard.
C’est une véritable œuvre d’art. Elle a été sculptée dans une seule pièce de noyer au XVIIIe siècle par le frère Louis Gudet. On peut y admirer sept panneaux représentant des scènes de la vie de Marie-Madeleine dans les quatre évangiles. Elle est surmontée d’un abat voix décoré d’une sculpture représentant Marie Madeleine en extase mystique portée par les anges telle que décrite dans la Légende Dorée.
L’accès à la crypte se fait en descendant quelques marches. C’est un ancien monument funéraire qui renferme quatre beaux sarcophages et les reliques de Marie Madeleine. Il est intéressant de savoir que jusqu’au 16è siècle, la crypte n’était pas accessible aux femmes.
Mais le 20 janvier 1516, se produisit le fait le plus marquant du pèlerinage de François Ier à Marie Madeleine: l’arrêt de cet ancien usage qui ne permettait pas aux femmes d’accéder à la crypte.
On sait, par le témoignage de Von Waltheim, un pèlerin allemand au XVe siècle, qu’un panneau à l’entrée de la crypte leur en interdisait l’accès.
De ce fait, la reine Claude, épouse de François Ier, Louise de Savoie, sa mère, Marguerite, duchesse d’Alençon, sa sœur ne purent pas y descendre. Ce sont donc les reliques qui ont été transportées dans l’église où le roi les fait porter.
S’en suit une bousculade telle que la chasse failli être jetée à terre, et qu’il s’en détacha une pierre précieuse de grande valeur que l’on retrouva plus tard. Mais c’est grâce à cet incident, que fut levée l’interdiction aux femmes d’accéder à la crypte.
Dans la niche, on peut y voir le reliquaire doré de 1860 qui remplace le premier, en or, fondu à la révolution pour fabriquer des pièces destinées aux soldats.
Il contient le crâne de la Sainte ainsi qu’un tube de verre dans lequel se trouve une petite parcelle de peau qui était accrochée au front de Marie Madeleine lors de la découverte de ses reliques et qui représente la marque des doigts du Christ lors de sa rencontre dans le jardin de la Résurrection le jour de Pâques. On l’appelle le « Noli me tangere ».
Edition 2025 - Véronique Flayol