Un pays pas comme les autres …

Un pays pas comme les autres …

Un pays pas comme les autres …

Vous avez dit Pays ?

Pays, mot étrange du fait de son orthographe et si familier dans la langue française ! mais petit mot très fort, très dense.

D’abord mot de géographie «administrative»: il vient en droite ligne du mot latin «pagus», la plus petite circonscription territoriale délimitée par des bornes fichées en terre à l’époque gallo-romaine ( pagus, même racine que le verbe pangere : enfoncer, ficher)- porteur d’une force symbolique qui a traversé notre histoire, le nom commun dérivé : pag-anus («du pagus») a donné à la fois «paysan»…et «païen», à croire que le «paganus» a résisté plus longtemps à la christianisation que l’habitant des villes… ah, ne pas confondre le «paganus», le paysan, et le «villanus»: le «vilain» (celui qui appartient à la «villa», centre d’exploitation agricole romain où travaillaient des serviteurs esclaves, qui a donné plus tard le mot «ville»).

Désormais mot de géographie intime : le «pays» se rapproche plus de la notion de terroir (les vins et fromages de «pays») que de celle de territoire comme projet socio-juridico-politique; il a pour chacun une dimension affective, intime («mon» pays), toujours porteur d’un héritage traditionnel ou de mémoire archaïque individuelle; il peut s’agir alors de ma petite région naturelle d’origine, ou de mon pays (état-nation), quand je suis à l’étranger !

A la fois sévère et généreux, le Pays sainte-Baume, comme parfois on l’appelle, n’a pas détruit son patrimoine naturel de flore et de faune très particulier, mais il recèle aussi un «petit» patrimoine culturel exceptionnel, surprenant et archaïque, qui parle à l’âme et au coeur : outre la «grotte» tant renommée, des chemins fragiles, des puits, des sources et des fontaines, des murets de pierre sèche, des cabanons et oratoires, toutes traces préservées de multiples strates  d’histoire et de passages.

Édition 2013

Vous avez dit Sainte-Baume ?

«Sainte-Baume», nom qui évoque communément la sainte «grotte», issu de l’occitan «baoumo», qui désigne d’ailleurs plutôt un «abri sous roche», et qui serait lui même apparenté au nom commun féminin gaulois : «baou» (rocher), attesté souvent en toponymie : bien des lieux en France ont reçu ce beau nom de baume.

Et pourtant, cette seule étymologie me semble insuffisante pour désigner l’étendue des évocations reliées à cette Montagne Sacrée de la Provence, le coeur du coeur du coeur de la Provence, entend-on parfois. Sacrée sans doute depuis l’époque archaïque païenne lointaine, ensuite lors de la période antique, avec un culte attesté à Artémis, déesse vierge et chasseresse, mais aussi déesse de l’accouchement et des sages-femmes, avant le culte chrétien à la si belle figure de Marie-Madeleine : c’est une montagne dédiée aux femmes, à leurs savoirs, à leurs mystères.

J’ai donc plaisir à croiser les étymologies quand il s’agit de la Sainte Baume odoriférante de tant d’essences et de résines, et à penser au «baume» plus qu’à la grotte, celui qui vient du nom grec «balsamon», et qui convient si bien à Marie-Madeleine : pour elle qui panse les plaies du Christ avec ses parfums, quelle autre montagne pouvait l’accueillir, chargée des parfums qui s’exhalent des plantes ? Marie-Madeleine, n’a t’elle pas trouvé le repos dans cette Montagne si prête à offrir du baume à l’âme et au coeur, elle la consolatrice, l’adoucissante, la calmante? Comment ne pas évoquer aussi l’onguent et la sainte huile qui guérit les blessures de l’âme et du corps ?

www.odilesolomon.typepad.fr

Edition 2012 - 2013 - Odile Solomon, sémiologue